Si vous considérez votre santé comme quelque chose d'important pour vous, vous avez sûrement dû vous poser au moins une fois la question suivante :
Comment manger pour avoir une alimentation idéale ?
En tant que sportif de haut niveau, j'ai longtemps cherché la réponse à cette question, qui en réalité, peut se décliner en plusieurs interrogations : existe-t il une alimentation idéale ?
Comment définir une alimentation idéale ?
Est-ce qu'une alimentation idéale est une alimentation équilibrée selon les recommandations officielles ?
Il convient donc de (re)définir le cadre d'une alimentation idéale car sa définition peut légitimement avoir plusieurs sens en fonction de nos priorités, notre budget, notre histoire personnelle, notre culture, nos goûts ou tout simplement, nos envies.
Pour cela, revenons à l'origine même de "l'acte" de s'alimenter : "nourrir" nos cellules formant des tissus, qui forment des organes fonctionnant de façon systémique pour permettre à l'organisme de VIVRE.
Cet organisme peut fonctionner plus ou moins normalement et plus ou moins bien au fil du temps, en sachant que l'on peut considérer que son fonctionnement optimal est atteint lorsque ses besoins sont quantitativement et qualitativement comblés.
Ok, c'est bien beau, mais... C'est quoi les besoins de MON organisme ? Car oui, chacun de nous est unique de part notre génome mais aussi notre mode de vie, notre perception du monde qui nous entoure et qui influence nos émotions, notre alimentation, tout cela va impacter la façon dont nos gènes vont s'exprimer ou non (ce que l'on appelle l'épigénétique) et qui peut nous conditionner à "déclencher" des maladies.
Notre formation de diététicien nutritionniste nous apprend à faire respecter des recommandations (1) émises par l'ANSES (décembre 2016 pour les plus récentes) en matière de consommation de portions d'aliments nécessaires pour atteindre et ne pas dépasser des apports énergétiques et micronutritionnels suffisants "théoriquement", en élaborant des modèles alimentaires précis et en calculant l'apport moyen de chaque catégorie d'aliment consommé.
Ces recommandations permettent de modéliser une alimentation idéale théorique et donnent du sens lorsque les habitudes alimentaires sont complètement déstructurées, sans repère et fortement éloignées de ces recommandations. C'est la méthode couramment utilisée pour déceler des "erreurs alimentaires" et sur lesquelles nous nous baserons pour conseiller et rééquilibrer l'alimentation.
Pensez-vous qu'en respectant le plus rigoureusement possible les recommandations officielles en terme d'apport nutritionnel, notre organisme n'ait aucun déficit ou aucun excès en tel ou tel micronutriments ?
En théorie oui, mais en réalité, comment savoir ?
Même en considérant les facteurs prenant en compte la biodisponibilité de chaque élément, il est impossible de savoir comment un aliment va être digéré.
En d'autre terme, on ne sait pas quelle sera la quantité de nutriment extraite/absorbée/ utilisée/recyclée/stockée/excrétée par votre organisme après la digestion d'un aliment...
La façon la plus objective d'en avoir un aperçu le plus proche, c'est de doser des marqueurs biologiques spécifiques.
Cela fait écho à la notion de valeurs biologiques santé (VBS), zone spécifique de l'élément dosé dans laquelle celui-ci aura un effet protecteur vis à vis de tel ou tel facteur de risque. "Facteur de risque" ne veut pas obligatoirement dire "problème de santé", mais le fait d’avoir identifié un facteur de risque évitable fait partie des bases fondatrices de la médecine préventive personnalisée.
"Pendant longtemps, la prévention personnalisée est restée une approche intellectuelle et balbutiante, faute d’outils suffisamment puissants et spécifiques, surtout en biologie. C’est devenu une réalité depuis peu". André Burckel (2019)
La Nouvelle Biologie concrètement : le Profil des acides gras érythrocytaires (PAGE)
Lorsque j'ai pu commencer à prescrire des analyses biologiques, j'ai été mon premier patient. J'avais beaucoup entendu parlé de l'importance des oméga-6 et des oméga-3 mais il m'était impossible de savoir quelle quantité d'acide gras mon alimentation m'apportait réellement, mais ça c'était avant La Nouvelle Biologie et le PAGE.
Voici un exemple concret sur le fait que les recommandations officielles peuvent ne pas suffire, avec l'analyse de mon profil des acides gras érythrocytaires (les érythrocyte sont aussi appelés globules rouges).
Le PAGE :
- consiste à doser tous les acides gras (AG) qui ont une incidence en terme de santé
- permettra d’affirmer la présence ou non d’un déficit ou d’un excès en tel ou tel AG
- permettra de lier les déficits et/ou excès présents à des situations où ceux-ci vont constituer des facteurs de risques de maladies.
Le dosage des AGE peut être intéressant dans les situations suivantes :
- Pour les sportifs : inflammation chronique, tendinite, mort subite
- Syndrome métabolique, résistance à l’insuline, pré-diabète
- Maladies cardiovasculaires
- Diabète de type 2
- Cancers, surtout celui du sein
- Dépression
- Maladies neurodégénératives
- Etc.
"Les acides gras sont indispensables pour donner de la souplesse aux membranes des cellules et particulièrement celles du cerveau. À ce titre, ils permettent l’exécution de nombreuses fonctions biologiques, structurelles et de plus, ils représentent une source d’énergie importante". André Burckel (2020)
Voici mon tout premier PAGE fait en février 2019. Il est le reflet de 3-4 mois d'alimentation mais aussi du métabolisme des acides gras. L'une de ses principales caractéristiques est de pouvoir montrer le statut des différents AG oméga-6 et oméga-3 notamment le rapport entre LN et LNA dont l'équilibre (4/1recommandé) est mis à mal avec une alimentation occidentale d'après l'étude de Simopoulos A. (2016) (2) avec des rapports observés à plus de 20/1, ouvrant la porte à la pathogenèse de nombreuses maladies.
La consommation d’acide alpha-linolénique (LNA) présente surtout dans l'huile de lin et de cameline, a été fixée à 1% de l’AET (Apport Énergétique Total) par l'ANSES (2016, page 23) (1).
On peut voir de gauche à droite les AG saturés, mono-insaturés oméga-7 et oméga-9, poly-insaturés oméga-6 et oméga-3 ainsi que différents rapports.
Les rectangles gris représentent les zones de VBS, le trait noir les AG constituant la membrane cellulaire de mes globules rouges.
Résultats
Focus sur les AG poly-insaturés
- Le statut en oméga-6 est dans les VBS avec un léger excès de LN.
- Le statut en oméga-3 est dans les VBS. Le LNA reflète strictement l'apport alimentaire (1cas d'huile de lin/jour + noix et amandes 20-30g/jour) qui est suffisant (pour moi) à sa bonne incorporation dans la membrane de mes cellules.
- Le léger excès en acide linoléique (LN, chef de file des oméga-6) n'a pas d'impact (encore) sur mon statut en oméga-3.
NB : Rappelons que le LN et LNA utilisent les mêmes enzymes pour être transformés à terme en acide arachidonique (AA, pour le LN = pro-inflammatoire) et en acide docosahexaénoïque (DHA, pour l'LNA = anti-inflammatoire) d'où l'importance capitale d'un bon rapport LN/ALA.
Voici maintenant le PAGE de contrôle 6 mois plus tard (août 2019) :
Résultats
- L'excès de LN s'est accentué, il est clairement en dehors des VBS, ce qui signifie que mon alimentation, malgré le fait que je pensais manger sainement, m'apporte trop de LN. Il faudra donc que je diminue la consommation d'aliments avec un profil lipidique riche en LN (en ce qui me concerne, la plupart des huiles végétales, les graines oléagineuses mais aussi les purées d'oléagineux).
- Le statut en oméga-3 est toujours dans les VBS : ma consommation d'1 càs d'huile de lin, d'amandes et de noix, ainsi que 2 à 3 portions de saumon, de tartare d'algue et de sardine/semaine est exactement ce qu'il me faut pour maintenir mon LNA, EPA et DHA dans les VBS.
J'ai attendu presque 1 an avant de refaire un nouveau PAGE.
Entre temps, j'ai intégré l'EDNH et j'ai pu me familiariser avec les recommandations officielles de l'ANSES dont certaines que j'ai voulu tester :
- 1 càc/jour d'huile de lin au lieu d'une càs
- 1 poisson gras/semaine au lieu de 2-3
- 1 à 2 portions de produit laitier/jour dont 1 fromage max
avec les modifications alimentaires suivantes par rapport à mes PAGE précédents :
- 10g de coco râpée/jour et des plats intégrants un ajout de beurre pour faire remonter le myristique (MYR)
- 10g de macadamia/jour pour faire remonter le palmitoléique (PALO)
- J'ai supprimé l'huile de noix et l'huile de colza riches en oméga-6 (LN) par contre j'ai continué de mettre de la purée d'oléagineux dans mes flocons d'avoines complets le matin (10 à15g) + des graines oléagineuses (10 à15g), tout simplement parce que c'est savoureux et que j'avais du mal à atteindre les 2500 kcal/jour sans cet apport lipidique intéressant sur le plan de la densité nutritionnelle.
Voici ce que ça a donné :
Résultats
- Le MYR est enfin remonté grâce à cette apport quotidien de noix de coco et plus de beurre dans mon alimentation. Keep going !
- Par contre, malgré l'apport quotidien d'acide palmitoléique avec les noix de macadamia, il n'est monté que de 5% par rapport au dernier bilan. Peut-être un polymorphisme génétique ? Je vais essayer d'augmenter la consommation de noix de macadamia (15 et 20g/jour).
- L'excès de LN est toujours présent et a même augmenté légèrement. Je décide donc de supprimer la purée d'oléagineux le matin.
- La mauvaise SURPRISE est au niveau des acides gras oméga-3 LNA et EPA !
Ma diminution d'apport en huile de lin (LNA) et en poisson gras (EPA), plus le fait que mon alimentation comporte trop d'oméga-6 LN, a fait chuter l'incorporation du LNA et d'EPA dans la membrane de mes globules rouges !
Que faire ?
Baisser ma consommation de LN tout en maintenant un apport énergétique théoriquement satisfaisant est compliqué étant donné que beaucoup d'aliments que je consomme au quotidien en contiennent. En revanche, revenir à ma consommation initiale d'oméga-3 LNA avec plus d'huile de lin et d'EPA avec 2 à 3 poissons gras/semaine malgré les recommandations officielles, semble plus réalisable.
Pendant combien de temps dois-je effectuer ces modifications alimentaires pour que mon statut en oméga-3 revienne dans les VBS ?
Plus j'avance en Nutrition comme en Biologie, plus je me rends compte que la vérité n'est pas figée, comme la vie elle même. L'importance d'intégrer cet outil encore méconnu et peu démocratisé dans l'aide au diagnostic nutritionnel me semble fondamental si l'on souhaite une prise en charge la plus efficace possible.
Elle consiste d'abord à la mise en évidence de l'état nutritionnel du patient afin de mettre en place des actions personnalisées spécifiques puis, dans un deuxième temps, contrôler par de nouvelles analyses, l'efficacité de la prise en charge choisie, objectiver le retour ou non dans les VBS et ainsi pouvoir jauger le FR associé.
Si je vous repose la question, "comment manger pour avoir une alimentation idéale ?", peut-être que la réponse apparaît désormais comme une évidence : il existe autant d'alimentations idéales que d'individus.
J'ai bien conscience que ce n'est pas forcement la réponse que vous attendiez, mais tous les "bons" conseils que l'on peut donner peuvent ne pas être adaptés pour VOUS, du moins à votre situation actuelle.
Encore faut-il la connaitre...
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